Thursday, May 29, 2008

Une évolution générique de l'entreprise 2.0 ?

Encore un "knowledge café" passionnant à l'Institut Boostzone. Il y était question cette fois-ci d'évolution de la fonction communication. Les conclusions feront l'objet d'un article sur le site de l'institut très prochainement.

Parmi ces conclusions, le besoin pour la fonction communication de développer les compétences de communicant de chaque collaborateur de l'entreprise. Ce qui me rappelle ce que je dis depuis longtemps dans le cadre de Talent Club: faire de la gestion du talent une compétence clé de l'organisation, c'est-à-dire, de chaque collaborateur de l'organisation.

Je crois que c'est là l'une des évolutions génériques qui poussent vers l'entreprise 2.0. Je m'explique: dans l'entreprise 2.0, l'individu (en tant que collaborateur mais aussi en tant qu'individu) est central; l'identifier, le connaître, lui donner les moyens de s'exprimer professionnellement et de se développer, notamment en collaborant largement au sein de cette entreprise, seront des tendances de fonds de cette "entreprise 2.0";

Mais, plus concrètement, de quelle façon le développement professionnel (qui ne comprend pas que la formation) est-il différent dans l'entreprise 2.0 ? Je dirais que l'entreprise mobilise toutes ses ressources au bénéfice de l'activité et du développement de ses collaborateurs (ce qui est particulièrement visible pour les fonctions centrales) et ce faisant elle ne vise pas à les enfermer dans un système mais à leur donner un cadre.

C'est pourquoi la fonction RH et la fonction communication évoluent de façon semblable. A mon sens, dans les prochaines années, nous verrons l'évolution suivante. Pour la RH, il ne s'agira plus de définir de façon centrale les compétences clé, ou les programmes de formation, par exemple, mais plutôt de s'assurer que chaque collaborateur place le développement professionnel (le sien et celui de ses pairs et collaborateurs) au centre de ses préoccupations, et qu'il a les moyens d'agir dessus. Plus que définir un référentiel de compétences, on commence aujourd'hui à former les managers au développement de leurs collaborateurs. Et un développement qui soit en cohérence avec la stratégie de l'entreprise.

L'évolution devrait être parallèle, et sans doute plus visible, pour la fonction communication. Plutôt que s'évertuer à construire des messages, à "faire le travail" de communication pour les différents départements d'une entreprise, la communication aura pour mission de déployer les compétences de communication à tous les employés de l'entreprise, et de s'assurer évidemment d'une certaine cohérence. Il ne s'agit plus, par exemple, de faire le blog de l'entreprise, mais de créer un écosystème de blogs. Pour réussir, la fonction communication devra travailler sur la cohérence (mais on est déjà en "meta") et surtout sur les compétences de "blogueur" de ceux qui auront été choisis et voudront tenir ce rôle. Et il ne s'agira pas de m'importe quelles compétences, mais bien de ces compétences de communication qui définissent la culture de cette entreprise.

Dans cette tendance, la fonction finance me semble être très en avance. Dans bien des entreprises, le langage financier, les indicateurs clé sont connus des managers, qui en ont fait un élément fondateur du jargon d'entreprise. Ce sera de plus en plus le cas avec les autres compétences clé de l'entreprise. Demain, chaque collaborateur sera équipé avec les moyens d'agir sur les processus clé de l'entreprise (vision financière, capacité de communication, compétences de développement des collaborateurs, connaissance métier, ...). Ce qui semble en l'écrivant relativement banale ne sera une réalité que lorsque l'on aura accepté de mettre les individus au centre de l'entreprise, lorsque l'on aura compris que chaque individu peut bénéficier de toute la richesse que recèle l'entreprise.

Evidemment, tout cela présuppose que l'on sache collaborer ...

Monday, May 19, 2008

Sommes-nous prêts pour la révolution du leadership ?

Perceptible pour moi depuis plusieurs mois, le bruit sur la révolution du leadership s'est accentué ces dernières semaines. Je me demande si nous sommes en France prêts à y participer.

La nature du leadership pourrait être en train de changer. Prenez cet article de HBR (Leadership's Online Labs), abondamment commenté déjà. La thèse de l'article de HBR est simple: les MMORPGs (jeux en ligne massivement multi-joueur) demandent des aptitudes de leadership qui pourraient se généraliser dans les entreprises dans les années à venir. Les enseignements à mon sens les plus intéressants :
  • "Leadership in games is a task, not an identity (...) Games do not foster the expectation that leadership roles last forever". L'article met en avant la notion de leadership partiel (sur certaines tâches, projets ou périodes de temps), par opposition à la notion de leader plus classique, notion selon laquelle les leaders de demain sont les hauts potentiels d'aujourd'hui, lorsqu'ils auront été convenablement développés. Iconoclaste, l'article bat en brèche cette notion classique.

    Il est facile d'admettre que, à côté du leader charismatique, d'autres personnes exerceront leur leadership de façon plus restreinte. C'est déjà le cas dans les projets (change leaders), le savoir (thought leader), les équipes (team leader) ... Ce qui est plus intéressant à mon sens c'est la capacité qui est demandée à chacun de savoir reconnaître le leadership d'un autre dans une situation donnée, et surtout, la capacité qui est demandée aux entreprises de développer et manager un véritable leadership distribué.
  • Le même article continue : "Getting the leadership environment right may be at least as important to an organization as choosing the right people to lead". Cette intuition des auteurs vient des réponses des joueurs interrogés eux-mêmes ("if you want better leadership, why not trying to change the game instead of trying to change the leaders?"). Cette intuition m'est plus familière. Je suis convaincu que certaines entreprises ont depuis longtemps compris cette notion et sont capables de trouver les collaborateurs qui pourront s'épanouir dans l'environnement professionnel qu'elles ont créé (McKinsey ou Allied Signal, par exemple).

    Mais ce qui est somme toutes atteignable dans une entreprise de conseil peut-il être réalisé rapidement dans une entreprise industrielle ? Et si on admet que les types de leadership vont se démultiplier, comment créer cet environnement capable de fabriquer les leaders dont les entreprises ont besoin ?
Si on revient à la vieille définition (leadership : doing the right thing; management : doing things right), on peut simplement admettre que la complexité croissante de notre économie et nos organisations demande un nombre croissant de leaders, et de types différents.

Trouver un nombre croissant de leaders ? La question ne se limite pas au très commenté "War for Talent". La question serait plutôt, "search for talent". A mon sens, la recherche de nouveaux leaders (de nouveaux employés au sens large, d'ailleurs) est assez limitée, d'un point de vue psychologique. Nous sommes encore empêtrés dans des schémas mentaux hérités du taylorisme:
  • je définis un poste de travail, après avoir compris l'organisation;
  • je définis les compétences nécessaires à la réussite dans ce poste;
  • je recherche, je sélectionne et j'évalue en me fondant sur ces critères.
Attention, je ne critique pas sans savoir le recrutement (quelques années de chasse de tête me poussent plutôt à défendre cette fonction). Mais je constate que nous ne sommes pas encore passés dans ce que devrait être le recrutement dans un monde collaboratif, et en évolution constante: le co-développement d'un impact personnel sur une organisation (et j'admets volontiers que ceci ne s'applique pas à tout le monde, mais c'est de leaders dont on parle...).

On pourra lire aussi ce que Linda Hill a à dire sur le sujet.

Trouver ou développer différents types de leaders ? J'ai pu lire sur Boostzone récemment différents articles sur l'évolution de la pensée, les nouvelles compétences et leur vitesse d'obsolescence, entre autres. Je me disais que ce que nous sommes en train de demander à nos dirigeants est d'admettre une façon de diriger sans doute profondément différente de la leur. Je sais que "savoir s'entourer" est l'une des qualités distinctives du bon leader ou dirigeant.... mais n'avons-nous pas là atteint la limite ?


Où en sommes-nous sur ce sujet en France ? Qu'en est-il de notre capacité à apporter notre pierre à ce nouveau leadership ? Organisations hiérarchiques et éducation élitiste, c'est souvent ce que l'on retient de notre modèle de "talent production". Pouvons-nous changer ces deux modèles pour faire émerger et pour développer les leaders dont nous avons déjà besoin ? Sans oublier que, lorsque nous aurons compris cette évolution du leadership, l'impact que ces leaders (et les talents en général) ont sur nos organisations, lorsque nous saurons où chercher et comment trouver ces leaders, il nous faudra aussi changer la façon d'organiser leur travail, de les développer et de les rémunérer.

Travail 2.0 - le colloque de la Fabrique du Futur

La Fabrique du Futur a organisé un colloque sur le travail du futur (Au delà du Travail 2.0). Merci à Eric, Nicole et Miguel pour un évènement très réussi. Les différentes interventions et comptes-rendus peuvent être vues ici et des photos ici.

J'ai moi-même participé à une table de travail sur la "RH 2.0" avec Macha ARFEN, François DENIEUL, Catherine GALL et Nicolas REAU. Je reprends ici le compte-rendu de cette table de travail, qui a été très productive:

Autour de la question "Quel espace de recrutement pour engager et développer des femmes de talent ?", notre réflexion s'est organisée autour de points suivants:
  • Evolution de la notion de recrutement : ne doit-on pas évoluer du très connu "attirer les meilleurs" vers "engager et maintenir une relation avec des individus sur différentes dimensions" (professionnelle, sociale, personnelle, ...);
  • Espace de recrutement : besoin de travailler sur le lieu des premières interactions entre une entreprise et des "candidats"; il est notamment intéressant de s'interroger sur l'esthétique de l'espace de recrutement pour évaluer son lien avec celle de l'entreprise; un espace peut-il s'adapter aux candidats pour les mettre en situation d'exprimer leurs aptitudes et potentiel ?
  • Ne doit-on pas profiter de l'impact que peuvent avoir des valeurs féminines pour faire évoluer le processus de recrutement ? Ne doit-on pas passer d'un processus fondé sur l'évaluation à un processus fondé sur la collaboration et la co-construction ?
  • De quelle façon différents fondements du marché du travail sont-ils un frein à l'évolution du recrutement (et donc, par extension de toute la relation entreprise - individu) ? Le caractère élitiste de l'éducation nationale et la survalorisation du diplôme sont-elles encore concevables à l'époque de la collaboration ? L'évaluation fondée sur le poste de travail (organisations tayloriennes) est-elle concevable à une époque d'accélaration du changement ?
Cette table de travail devrait poursuivre virtuellement ses échanges ici. On espère qu'ils seront productifs. Un concours sur l'espace de recrutement 2.0 est aussi à l'étude, on espère aussi qu'il aboutira.